Chapitre 12 : l'art de perdre.
- Stéphanie Dordain

- 28 juil.
- 3 min de lecture
L’avantage pour moi d’écrire ces chroniques, ces textes mi-thérapie, mi-vérité brute…
C’est que je suis totalement libre. Et que ça me fait du bien, à moi.
Libre d’écrire ce que je veux, quand je veux.
Libre d’approfondir un sujet… ou de le laisser filer.
Libre de dire.
Ou de ne pas dire.
Et pour l’instant — soyons honnêtes — je n’ai pas envie d’aller plus loin dans l’histoire de Lukas.
Ce n’est pas mon sujet du moment.
Ce petit rebondissement m’a bien fait rire, oui. Mais je reste centrée sur ce que j’étais venue chercher ici : moi. Moi. Et moi.
Peut-être que j’y reviendrai plus tard. Ne vous inquiétez pas, vous ne raterez rien de croustillant. Promis.
Mais aujourd’hui, c’est d’autre chose que j’ai envie de parler.
D’une autre forme d’amour.
D’un monde entier dédié à ça.
Ce soir, je suis allée à un festival de musiques du monde, à Sines.
Un petit port du sud du Portugal, collé à l’océan.
Le vent, les embruns, les corps qui dansent sous la lune, les cœurs qui battent sous les percussions.
Festival de musiques du monde, c'est ce qu’ils disent.
Mais ce que j’ai entendu, c’était toujours la même histoire.
Peu importe la langue, le continent ou les instruments…
C’était toujours l’histoire de l’amour.
De la perte.
Du manque.
Et de cette douleur qu’on transforme pour qu’elle devienne chant.
Je me suis dit : mais en fait, c’est ça, l’art.
C’est ce qu’on fait avec ce qu’on n’a pas su garder. Ce qu’on n’a pas osé dire.
Les musiciens chantent les mots qu’ils auraient aimé crier à quelqu’un.
Mais qu’ils ont gardés pour eux.
Et ces mots-là… ils traversent le micro, la foule, les frontières, et ils viennent toucher en plein cœur des inconnus.
Parce que ce sont les mots qu’eux aussi auraient voulu entendre.
C’est un écho.
Un miroir.
Un langage sans frontières.
Et j’ai réalisé qu’on écrit les plus belles choses à partir d’un cœur brisé.
Que la musique, la poésie, la peinture, c’est souvent une tentative de faire parler la faille.
D’habiller l’absence.
De dire enfin ce qu’on n’a jamais su dire.
L’art, c’est pas juste beau.
C’est une preuve.
La preuve que quelqu’un a aimé.
Et qu’il a souffert.
Et qu’il a décidé de transformer cette souffrance en lumière.
Et plus j’écoutais, plus je me rendais compte que peu importe l’époque, le style, le pays — les histoires d’amour sont toujours les mêmes.
Toujours.
On aime.
On perd.
On saigne.
On se relève.
Et ça recommence.
C’est dingue non ? En 1400 ou en 2025, au Sénégal ou en Argentine, c’est toujours le même feu qui brûle.
Toujours la même rengaine.
Et là je me suis demandé :
Est-ce qu’on est voué à souffrir par amour ?
À répéter les mêmes schémas ? À s’attacher, à tomber, à ramasser les morceaux ?
Ou alors… est-ce qu’on peut aimer autrement ?
Aimer sans se perdre.
Aimer sans vouloir posséder.
Aimer sans faire de l’autre notre centre de gravité.
Peut-être que ce n’est pas l’amour qu’il faut changer. Peut-être que c’est la façon dont on l’aborde.
Aimer, ce n’est pas promettre l’éternité dans un monde qui change à chaque seconde.
Ce n’est pas fusionner jusqu’à se dissoudre.
Ce n’est pas se sacrifier pour exister dans le regard de l’autre.
Aimer, c’est danser avec l’éphémère.
C’est dire : je t’aime maintenant.
Et si demain tu pars, je ne nierai pas ce qu’on a vécu.
Je te remercierai. Tu seras une page de mon histoire.
Peut-être qu’il faut arrêter de voir l’amour comme une promesse figée.
Ou comme un échec s’il prend fin.
Peut-être qu’il faut juste accepter que tout est cycle.
Que la vie est un mouvement. Une vague.
Et que l’amour, comme l’art, est là pour nous rappeler qu’on a été vivant.
Intensément vivant.
Cette série littéraire, j’ai envie de la dédier.
À toutes ces personnes que j’ai aimées.
À toi que j’ai aimé, qui as fait partie de ma vie un instant, un fragment, une saison —
Et qui aujourd’hui n’y es plus.
Tu restes pourtant là, quelque part en moi, dans ce que j’écris, dans ce que je transforme.
Et à travers ces mots, simplement,
Je guéris.
Je libère.
Je transmute l’amour.
Pour qu’il vibre en moi à chaque instant.
Pour qu’il continue à m’ouvrir, à me traverser,
Et à m’offrir, encore et toujours,
le plus beau cadeau de la vie :
aimer.





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