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Épisode 11 : Étoile de mer

Dernière mise à jour : 28 juil.

C’est toujours quand tu t’y attends le moins que l’univers te met dans des situations improbables.


Hier, journée normale. Enfin, normale dans mon monde à moi : on traîne, on traîne, je crie un peu, j’écris, il commence à faire très très chaud, très très lourd. Je me dis que je vais finir par fondre comme une bougie oubliée.


Je resitue.

Je suis en Alentejo, au sud du Portugal, en plein été. Chez mes amis, dans un lieu communautaire en pleine nature — notre camp des Gardiens de la Terre, encore en gestation. Un endroit simple, vivant, où je me sens bien. Je suis chez moi.


Tout va bien. J’ai pris mes décisions. Je me concentre sur moi. Je crée, je ris, je mange bien, je vis bien. Je suis en paix. Pleine d’enthousiasme. Pleine d’envies. Pleine de moi.


Et comme toujours, c’est à ce moment-là que l’univers se penche et dit : tiens, on va rire un peu.


Il me manque des croquettes pour Georges (le chien roi de ma vie) et je dois racheter des protéines végétales. On décide enfin, en fin d’après-midi, après avoir réglé deux ou trois papiers et avancé sur mes projets créatifs, d’aller en ville avec les filles.


Et là, détour sacré par une boulangerie portugaise.

On rentre. On choisit au feeling.

Des gâteaux énormes, sucrés, pleins de crème, de pâte feuilletée, de trucs gras sans nom.

On goûte. On goûte trop.


Et au milieu de ça, je lâche :


“Mais sérieusement… je mange mieux qu’à 20 ans, je fais du sport tous les jours, je bois des jus verts… pourquoi j’ai encore de la cellulite ? Pourquoi ma peau, là, elle pend ?”

Émilie me regarde, en rigolant, la bouche pleine de crème jaune œuf :


“Peut-être parce qu’on mange que des conneries. À 40 ans, c’est un cheat meal par semaine, pas par jour.
Moi j’enchaînais trois pizzas avant, je pesais 47 kilos.”

On rigole, mais on sait.

C’est pas qu’on exagère.

C’est juste que maintenant… tout compte.


On éclate de rire. On parle de nos anciens corps comme de reliques d’un autre temps.

Et moi, dans un élan soudain, je dis :


“Je ferais bien un petit bain de mer. Pour raffermir mes jambes. Et me purifier.”

L’eau est glacée. On hésite. Il est tard, le soleil descend. Mais j’insiste.

On y va.


Je plonge 3 minutes la moitié de mon corps dans ce bain glacial. Émilie me filme.

Je décrète, solennelle :


“Jour 1 de mon programme Jeunesse Éternelle. On va régénérer nos cellules, rajeunir, enlever la cellulite par la pensée et l'hypnose.”

Émilie me sort, imperturbable :


“Si ça marche, tu vas devenir millionnaire.”
On rigole.

En sortant de l’eau, le corps tonique par le choc thermique, je me sens invincible.


Et là… je me jette sur le sable. Position étoile de mer.

Ventre contre terre. Bras en croix. Jambes tendues. Fessiers levés.

Je fais mes battements avec ferveur. Très sérieuse.


Ma fille me regarde. Émilie souffle :


“J’en peux plus de ta mère.”

Et soudain :


“Steph… arrête. Y’a un mec qui arrive.”
Moi, sans me retourner :
“Rien à faire. Je connais personne ici. Chaque effort compte.”

Elle insiste.


“Mais… c’est Lukas.”

Je relève la tête.

Lukas.

Oui. Lui.


Il est là, juste devant moi, au-dessus de mes fesses en l’air, dans mon maillot léopard.

Je me fige. Je perds l’équilibre. Je chute en avant, les genoux dans le sable.

Lui, le plus naturellement du monde


“Hi Stéphanie.”

Moi, tentant un air digne :

“Hola… Lukas.”

Et au lieu de changer de sujet, je lâche :


“Oui, je… je fais un petit bain pour raffermir tout ça.” (Il fallait que je dise ça. Bien sûr.)

Il sourit. Ma fille, Émilie, et nos amis, en haut de la butte, nous observent, morts de rire.

Ils ont tout vu. Apparemment depuis un moment.

Oui, c’est mon cul. Pris d’en bas, post-bain à 13°. après une série de 30 battements étoiles de mer. Spoiler : en vrai, ça pend, c’est mou, et c’est asymétrique. Arrêtons de croire à Instagram. Et aux photos figées dans le temps.
Oui, c’est mon cul. Pris d’en bas, post-bain à 13°. après une série de 30 battements étoiles de mer. Spoiler : en vrai, ça pend, c’est mou, et c’est asymétrique. Arrêtons de croire à Instagram. Et aux photos figées dans le temps.

Et là, Lukas, très détendu :


Ben oui, je suis avec Elisa et les autres, en haut.

Émilie cligne des yeux :

Ah bon ? Elisa ? Mais qu’est-ce qu’elle fait là ?

Lukas :

Ben… pour ton anniversaire demain.

Émilie :

Pardon ? Mon anniversaire demain ?

Lukas, toujours très premier degré :

Ben oui… ton anniversaire demain.

Je le regarde. Je lui fais des yeux énormes.

Mais il continue. Il se répète.

Il n’a pas compris.

Elle n’est pas censée savoir.


Réflexe : je le frappe.

Assez fort pour qu’il se taise.


Il se décompose. Il réalise.

Trop tard.


Et moi ? Pour une fois, je ne suis pas la plus gênée de la scène.


La vraie question maintenant, c’est :

Qui est Lukas, au juste ?


Parce que même moi… je ne sais plus très bien.


Bref, c’est pas tout, mais on a une journée d’anniversaire surprise à préparer.

Et je sens qu’elle va être… mémorable.




1 Comment


Bon anniversaire 🎂🎊

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